Mon ami Thaï a emménagé dans sa maison toute neuve à la frontière nord de Bangkok et à l’ouest du Don Muang, il y a quelques mois. Il a du l’évacuer quand l’eau est montée. Avant de partir il a placé les meubles du RDC à 75 cm de haut et élevé des murets devant les issues. Nous avons essayé d’y retourner récemment afin de chercher des papiers administratifs dont il avait un besoin urgent. Ce fut une expédition… Il nous a fallu 6 heures (bien que la maison ne soit qu’à 3 ou 4 km du point de départ) pour y aller et revenir, avec l’aide de l’armée qui nous a convoyés avec d’autres personnes dans notre cas en camions puis en bateaux. Malheureusement, l’eau est montée bien plus que prévue. Il y a 1,70 m d’eau dans la rue et au moins 85 cm dans la maison. Tous les meubles et l’électroménager totalement neuf sont perdus (meuble télé, télé, canapé, table, chaises, cuisine intégrée, frigo, pompe à eau, machine à laver, etc.)… Ma moto, une 150 CBR Honda neuve avec 1 400 km au compteur est submergée… L’eau est chargée de produits chimiques et de bactéries, elle dégage une odeur pestilentielle et est corrosive. Il y a peu de chance pour que cette moto soit réparable… Tous les végétaux patiemment sélectionnée et plantés ainsi que la pelouse sont morts à l’exception d’une plante d’eau… Quand l’eau sera partie, Il va falloir évacuer beaucoup de boue, tout nettoyé, tout repeindre et trouver comment se débarrasser des déchets...
Toutes les maisons et résidences, aussi cossues soient-elles, sont touchées. Mise à part un centre de soin de quartier construit partiellement sur pilotis, toutes ces habitations ont des RDC noyés… On se demande comment les gens ont pu oublier le bon sens des anciens qui construisaient tous leurs maisons traditionnelles sur pilotis… 1,7 millions de personnes ont déjà été touchées et on parle de millions de tonnes de déchets qu’il va falloir éliminer…
L’ambiance est très particulière. A ce qu’il faut bien appeler l’embarcadère on se bouscule et plus on s’enfonce dans les zones inondées plus on a le sentiment d’être dans une ville fantôme. C’est un peu comme si l’on était dans une guerre, venant de l’arrière et montant au front…
Il y des gens qui essayent de sauver ce qu’ils peuvent. Certains ont mis leurs voitures ou leurs petites motos sur des points hauts comme les trottoirs, mais ça n’a pas suffit. On en voit qui ont placé leurs autos sur des radeaux de fortune et qui poussent jusqu’à 10 heures durant pour sortir de ce piège.
On voit des gens avec de cette eau putride jusqu’au coup qui avancent avec peine dans certaines zones. C’est terrible pour eux. Les sauveteurs vont chercher ici un handicapé, là un enfant qui sont restés coincés sur un point haut.
Les chiens errants sont perdus, ils ne comprennent pas ce qui leur arrive. Ils ne savent pas où aller et doivent boire cette eau toxique. Ils n’ont rien à manger… Les temples sont également sinistrés.
L’eau est partout à parte de vue. C’est très impressionnant. Ce sont des milliards de m3 qui ne demandent qu’à descendre à la mer. On prend conscience de ce qui menace Bangkok… Les autorités essayent de faire passer tout ça par l’Est et par l’Ouest de la capitale et un peu aussi par les canaux qui traversent Bangkok. Une partie est également drainée par le fleuve Chao Praya. Le grand canal Ouest appelé ici Khlong Prapa ne peut pas vraiment servir à évacuer l’eau polluée, parce que l’eau qu’il charrie est utilisée pour alimenter la ville en eau potable.